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Voyage à Lyon - Novembre 2019 - Conférence 2 : niveaux de vie et inégalités
Mardi, 26 Novembre 2019 11:31
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Voyage à Lyon - Novembre 2019
Conférence 2 : niveaux de vie et inégalités
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II - NIVEAUX DE VIE ET INEGALITES : MESURE ET PERCEPTIONS (Compte rendu par Elodie Boillat - ECT2)

Première partie : divergence entre la mesure et le ressenti, par Didier Blanchet (directeur des études et synthèses économiques à l'Insee)

Le social se mesure à partir de sources objectives. Toutefois, construire cette mesure du social sans se soucier du ressenti de la population est une erreur car le ressenti en lui-même est une réalité. Pour mesurer ce ressenti, certains organismes mènent des sondages d'opinion. La mesure du social est donc complexe car les objets observés sont évolutifs, multiformes, les concepts ou les indicateurs de mesure choisis peuvent être discutés et critiqués. La mesure du ressenti permet justement de montrer, en cas d'écart entre la mesure objective et le ressenti, que les indicateurs retenus pour mesurer le social ne permettent pas de refléter entièrement la réalité. Il faut donc allier mesure objective et ressenti. Le ressenti peut être mesuré par exemple au travers des enquêtes de conjoncture par rapport aux ménages avec des questions telles que : pensez-vous que votre pouvoir d'achat s'est amélioré? Le solde d'opinion est (dans ce cas) la différence entre les personnes qui pensent que leur pouvoir d'achat s'est amélioré et au contraire celles qui pensent que leur pouvoir d'achat a diminué. On peut constater que certains indicateurs sont plus proches du ressenti des ménages comme par exemple le revenu disponible brut. Ce revenu disponible brut a vu sa trajectoire croître (globalement) même si son évolution a ralenti ces dernières années. Mais, la plupart des indicateurs proposés pour mesurer le social sont macro-économiques. Pour qu'ils soient davantage pertinents, il faut donc les ramener à la taille de la population. On peut par exemple, effectuer des corrections par le nombre d'unité de consommation, par le nombre d'habitants, par le nombre de ménages. Ainsi, on peut constater que le pouvoir d'achat ramené au nombre d'unité de consommation, a stagné entre 2010 et 2017.

Deuxième partie : le hiatus entre l'évolution de l'inflation officielle et l'évolution de cette inflation telle qu'elle est perçue par les individus, par Florence Jany-Catrice (professeur d'économie)

La mesure du pouvoir d'achat et son évolution dépendent de 3 éléments :

  • de l'évolution du revenu (disponible, avant/après impôt)
  • de la taille du ménage
  • de l'effet d'inflation.

Cette question de l'évolution de l'inflation et de sa perception refait surface à la suite de chocs externes. Exemples de chocs externes : dans les années 70, la proposition de la CGT d'un contre indice de l'inflation marquant un écart durable de 4 points avec l'indice officiel, ou encore le passage à l'euro (du fait de la perte de confiance dans la monnaie à l'échelle nationale). Aujourd'hui, le choc externe qui a remis cette question au sein des préoccupations est l'effet gilet jaune. Ce hiatus entre perceptions et indices officiels peut être expliqué par différents éléments :

  • un élément psychologique : les ménages sont plus sensibles aux fortes hausses des prix et vont s'en souvenir plus longtemps que les baisses des prix
  • les biais de perception : les ménages affectent un poids plus élevé à des biens achetés plus fréquemment dans leur consommation (café, baguettes de pain). Le poids de ces biens dans la consommation sera plus faible que leur poids dans l'inflation
  • les explications structurales : l'égalité n'est plus un horizon commun. Les indices officiels parlent moins aux citoyens car ils sont exposés de façon inégale aux variations de prix (classe sociale, inégalités territoriales...).

Cette question de l'évolution de l'inflation et sa perception peut en amener une seconde : dans quelles mesures les individus ont vraiment le pouvoir sur leur achat? On trouve l'idée qu'il y a une composante de plus en plus contrainte dans le pouvoir d'achat. Ce dernier serait plus un devoir qu'un pouvoir. Les dépenses contraintes peuvent renvoyer à des consommations pré-engagées (consommation réalisée dans le cadre d'un contrat) mais aussi à des contraintes liées aux besoins sociaux (questions normatives). Les principales dépenses pré-engagées concernent le logement, la télécommunication, la télévision, les frais de cantine, les assurances ou encore les services financiers. Les dépenses pré-engagées dans la consommation ont fortement évolué : elles étaient de 15% dans les années 60 alors qu'aujourd'hui elles sont de 32%, ce qui signifie que la part des dépenses arbitrales aurait fortement diminué. La Drees a approfondi le sujet des dépenses pré-engagées : ses études montrent que les dépenses pré-engagées rapportées à la consommation représentent 39% de la consommation des pauvres et 28% de la consommation des riches. Mais, les études montrent aussi que si l'on rapporte ces dépenses au revenu disponible, alors elles représentent 61% du revenu des pauvres et 23% du revenu des plus riches. La Drees se pose alors la question de mettre en place un nouvel indicateur : le niveau de vie arbitrable.

Troisième partie : l'évolution des inégalités avant et après impôt, par Jonathan Goupille-Lebret (chargé de mission au WID)

Pour comprendre l'évolution des inégalités, il faut dégager deux dynamiques : la dynamique des inégalités avant impôt et la dynamique après impôt, qui permet de mesurer l'impact de l'Etat sur les inégalités à travers la mise en place de prestations sociales et d'impôts qui viennent diminuer les inégalités de revenu avant impôt. Jonathan Goupille-Lebret et Thomas Piketty se sont demandés comment les fruits de la croissance se répartissaient entre les individus selon l'importance de leurs revenus. Avec leurs travaux, ils ont pu remarquer qu'entre 1950 et 1983, la croissance bénéficiait au 90% des individus aux plus faibles revenus (les taux de croissance étaient élevés, autour des 4%). En revanche, entre 1983 et 2014, ils ont pu remarquer que la tendance s'était inversée : les riches bénéficiaient davantage de la croissance (environ 3 fois plus que les plus pauvres). Cette croissance est beaucoup plus basse que sur la période précédente : environ 1,9%. Ce phénomène entraîne une augmentation des inégalités avant impôt. Pour mesurer l'évolution des inégalités, on peut utiliser le concept de part de revenu total possédée par des groupes. Pour cela, on divise la population française en 3 groupes :

  • les 50% les plus pauvres (bottom 50)
  • les 10% les plus riches
  • les 40% du milieu (classe moyenne).

Une fois ces trois groupes formés, on s'intéresse à la part de revenu total possédée par chaque groupe. S'il n'y avait pas d'inégalités, les 10% les plus riches devraient avoir 10% des richesses etc. Sauf que les inégalités sont importantes et on peut remarquer que les 10% les plus riches en 1970 possèdent 30% des richesses totales (ils sont alors 3 fois plus riches que l'individu moyen). Dans les années 70-80, on a pu remarquer une baisse des inégalités. En effet, les revenus des 10% les plus riches diminuaient alors que ceux de la classe moyenne augmentaient. Mais depuis les années 80, on assiste à une augmentation lente et progressive des inégalités : les revenus des 10% les plus riches augmentent alors que ceux des 50% les plus pauvres diminuent. Il faut aussi s'intéresser à la capacité de l'Etat à influencer les inégalités à travers son système socio-fiscal (redistribution). Pour cela, il faut comparer les inégalités avant et après impôt. On remarque que les revenus de la classe moyenne augmentent du fait des prestations sociales alors que ceux des riches diminuent (car ils paient plus d'impôts et reçoivent peu de prestations sociales). Donc le système socio-fiscal réduit les inégalités. On remarque aussi que le pouvoir redistributif de l'Etat augmente. En effet, dans les années 70, les 10% les plus riches possédaient 8 fois le revenu moyen avant impôt des 50% les plus pauvres. Une fois la redistribution effectuée, ce ratio est passé à 7 (soit un impact limité car cela représente seulement une baisse de 13% des inégalités). Entre 2010 et 2018, les 10% les plus riches possédaient toujours 8 fois le revenu moyen des 50% les plus pauvres. En revanche, une fois la redistribution effectuée, ce ratio passe à 5, permettant une réduction de 30% des inégalités.

Quatrième partie : les inégalités des chances de niveau de vie, par Clément Dherbecourt (chef de projets à France Stratégie)

En France, pendant une longue période, il n'y a pas eu d'augmentation importante des inégalités de niveau de vie contrairement aux pays développés européens ou aux Etats-Unis. Mais les français perçoivent le contraire et considèrent que les inégalités de niveau de vie ont augmenté. La mobilité sociale désigne le changement de position sociale d'une personne par rapport à celle de ses parents. On dispose de plus en plus de données sur la mobilité sociale en France. Comparée aux pays développés, la France a une reproduction sociale assez importante. Si l'on s'intéresse au niveau de vie à l'âge adulte selon la profession du père, on peut remarquer qu'un enfant de cadre supérieur et un enfant d'ouvrier non-qualifié auront un écart de 800 à 1000 euros par mois de niveau de vie. Mais l'origine sociale ne détermine pas totalement la réussite des individus sur le marché du travail. En effet, un enfant d'ouvrier aura une chance sur sept de faire partie des 20% des revenus les plus élevés alors qu'un enfant de cadre aura une chance sur deux d'appartenir à cette même catégorie. Cependant, les origines sociales n'expliquent qu'entre 8 et 10% des inégalités de revenus. Globalement, il n'y a pas eu d'évolutions sociales ces dernières années. Les français sous-estiment fortement la mobilité sociale, ce qui explique les écarts entre perceptions et réalité. On peut expliquer cet écart par :

  • la croissance économique : la moitié des individus gagne un salaire supérieur à celui de leur père au même âge alors que dans les années 40, ce chiffre s'élevait à 80%
  • l'augmentation du prix des logements : cette augmentation crée un effet de générations. Ceux qui ont accumulé un capital logement ont vu leur valeur patrimonial augmenté alors que les jeunes générations ont dû construire leur capital logement dans une situation économique où les logements sont devenus chers, dégradant leur situation
  • la dimension territoriale : on constate des écarts de niveau de vie à l'âge adulte important en fonction de la région où l'on vit. Par exemple, un même ouvrier gagnera dans le Pas-de-Calais 1400 euros par mois alors qu'en Ile-de-France il gagnera aux alentours de 1800 euros.

On constate que ce sont les mêmes territoires qui sont défavorisés et les mêmes territoires qui sont favorisés depuis des années, ce qui peut donner le sentiment que la société est bloquée et que les choses empirent.

 



 

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Fiche de présentation de la CPGE Brémontier
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